EVALUER LES RISQUES

Produire une meilleure estimation du risque

Un tableur pour calculer le flux de polluants volatils de la nappe vers la surface à travers la Zone Non Saturée

13 Septembre 2018
En présence de sols contaminés sous bâtiment, le principal risque sanitaire pour les occupants est l’inhalation de Composés Organiques Volatils (COV), présents dans les gaz du sol. Ceux-ci vont migrer, soit par diffusion et/ou advection à travers la zone non saturée (ZNS), vers l’espace intérieur du bâtiment à l’aplomb (Figure 1), par l’intermédiaire des fissures du plancher. L’advection peut avoir lieu car la majorité des bâtiments sont sous une légère dépression vis-à-vis du sol (principalement en raison de la différence de température entre le sol et l’air intérieur). Figure 1: Volatilisation de contaminant à travers la ZNS depuis la nappe Afin de comparer simplement les flux de contaminants volatils à partir d’une contamination sous forme dissoute pour différents types de sol, InnovaSol a développé un outil simple, mis à disposition sous forme de tableur à télécharger à la fin de cet article.

Les bases théoriques de l’outil

Afin de quantifier le risque associé à une contamination de ce type, il est nécessaire de comprendre les mécanismes de transport régissant la migration de contaminants organiques sous forme gazeuse vers la surface ainsi que les facteurs d'atténuation influant sur cette migration. Les travaux de Hers et al. (2003) et Fitzpatrick et Fitzgerald (2002) montrent que la ZNS joue un rôle primordial dans l’estimation des flux gazeux de la nappe vers la surface :
  • D’une façon générale, le type de polluant change relativement peu les flux tant que celui-ci est volatil.
  • La perméabilité équivalente des fondations du bâtiment influence peu les résultats généraux.
  • Dans les sols peu perméables à l’air, le processus majeur est la diffusion et ainsi le différentiel de pression entre sol et bâtiment est peu influent.
  • A l’inverse, dans les sols perméables, les paramètres majeurs sont la perméabilité à l’air du sol et la différence de pression sol-bâtiment.
  • La teneur en gaz du sol, qui peut varier largement sous un bâtiment, influence de façon très conséquente les résultats.

Caractériser la ZNS avec les courbes capillaires d’un sol

Le sol va présenter une porosité et un profil de teneur en eau en fonction de l’altitude spécifique (appelée courbe capillaire). Ces deux paramètres sont principalement liés à la granulométrie du sol. Par exemple, un sable grossier « retiendra moins l’eau » qu’un sol limoneux et les courbes capillaires de la ZNS seront donc différentes. Ainsi, la zone proche de la saturation appelée frange capillaire sera mince dans le cas d’un sable grossier tandis qu’elle pourra atteindre plus d’un mètre dans un sol limoneux. Classiquement, ces courbes capillaires sont décrites par le modèle de Van Genuchten (1980). La Figure 2 montre quelques courbes capillaires pour différents types de sol. Figure 2: Courbes capillaires pour différents types de sols

Caractériser la diffusion de gaz dans la ZNS

Sur le long terme, la migration de COV dans la ZNS se fait principalement par diffusion. Pour la caractériser, il faut appliquer la loi de Fick décrivant que le flux J est proportionnel au gradient de concentration et à un coefficient de diffusion effective Deff : Ce flux est celui qui servira à calculer le risque dans les bâtiments sus-jacents. Dans un sol, le coefficient de diffusion effective est principalement fonction des propriétés du sol, à savoir la teneur en eau, en gaz et la porosité. Ainsi, en fonction du type de sol, les flux de COV vers la surface vont différer. En effet, la diffusion d’une substance étant beaucoup plus élevée dans en phase gazeuse que dans l’eau (environ 4 ordres de grandeur), la proportion de ces fluides dans le milieu poreux va influer sur cette migration. Ainsi, en fonction des courbes capillaires du sol, le coefficient de diffusion effective sera modifié et les flux de contaminant vers la surface également. Pour calculer ce coefficient de diffusion effective, la formule à utiliser est celle proposée par Millington et Quirk (1961) : Avec :
  • Deff: le coefficient de diffusion effective (m2 s−1),
  • Dg: le coefficent de diffusion du contaminant dans l’air (m2 s−1),
  • Dw: le coefficent de diffusion du contaminant dans l’eau (m2 s−1),
  • θg: la teneur en air (-),
  • θw: la teneur en eau (-),
  • H: la constante de Henry adimensionnelle (-, eau/gaz),
  • n : la porosité totale du sol (-).
Par ailleurs, l’écoulement de la nappe va également avoir une influence sur ce coefficient de diffusion effective, puisqu’il va induire une « propagation » du contaminant dissous dans la nappe vers la frange capillaire par dispersion. Ainsi, l’équation du coefficient de diffusion effective s’écrit alors (Atteia et Höhener, 2010) : Avec :
  • v0: la vitesse d’écoulement de la nappe, ou vitesse de pore (m s−1),
  • αz: la dispersivité (m),
  • k* : le rapport de la conductivité hydraulique dans la frange capillaire sur la conductivité hydraulique à saturation (-).

Déterminer le profil de teneur en polluant avec l’Outil de calcul

Le tableur permet, à partir d’informations relatives au contaminant et aux propriétés hydrodynamiques du sol, de déterminer les flux de contaminant vers une surface libre et de réaliser la courbe de concentration pour le cas qui vous concerne. Les paramètres de van Genuchten étant difficile à déterminer, il peut être intéressant d’avoir une validation du profil de teneur en eau sur le site concerné. La Figure 3 illustre quelques résultats du modèle pour un sol sableux et un sol limoneux. Le point majeur est que la frange capillaire conduit à un gradient très élevé de concentration pour le cas du sol sableux, ce qui n’est pas le cas pour le sol limoneux. Ceci a été vérifié expérimentalement. En effet, la faible teneur en air pour le sol limoneux implique un déplacement très lent des composés et donc un coefficient de diffusion effective très faible induisant un flux de contaminant plus faible que pour le sol sableux. Il est donc courant d’avoir des concentrations dans l’eau du sol 100 à 1000 fois plus faibles au-dessus de la frange capillaire que dans la nappe dans le cas de franges capillaires de faible hauteur. Ainsi, il y a peu de cas où, en l’absence de contamination des sols, le flux de polluant émanant de la ZNS peut conduire à un risque élevé. Il est évident que ce modèle ne s’applique pas au cas où il y a une présence de phase flottante, qui conduit à des concentrations très élevées dans l’air du sol puisque, par définition, le produit flottant se situe dans la partie supérieure de la frange capillaire. Figure 3 : Evolution de la teneur en eau (à gauche) et des concentration en benzène dans la phase gazeuse du sol (droite) pour des sols sableux et limoneux dont la nappe située à 10 m de profondeur présente une concentration en benzène de 1500 mg L−1. By G. Cohen, O. Atteia

Références

Atteia, O., Höhener, P., 2010. Semianalytical model predicting transfer of volatile pollutants from groundwater to the soil surface. Environ. Sci. Technol. 44, 6228–6232. Fitzpatrick, N.A., Fitzgerald, J.J., 2002. An evaluation of vapor intrusion into buildings through a study of field data. Soil Sediment Contam. An Int. J. 11, 603–623. Hers, I., Zapf-Gilje, R., Johnson, P.C., Li, L., 2003. Evaluation of the Johnson and Ettinger model for prediction of indoor air quality. Groundw. Monit. Remediat. 23, 119–133. Millington, R.J., Quirk, J.P., 1961. Permeability of porous solids. Trans. Faraday Soc. 57, 1200–1207. Van Genuchten, M.T., 1980. A closed-form equation for predicting the hydraulic conductivity of unsaturated soils 1. Soil Sci. Soc. Am. J. 44, 892–898. [wpdm_package id='1077']

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Qu’est-ce que l’EDA ? Comment l’utiliser pour tester la toxicité des sols ?

15 Janvier 2018
Qu'est-ce que l'EDA ? L’analyse dirigée par l’effet (ou Effect Directed Analysis en anglais, EDA) a pour objectif de découvrir si un contaminant est responsable des effets toxiques dans un compartiment environnemental. Cette méthode vise à identifier des molécules organiques responsables d’activités biologiques à l’aide d’une démarche analytique guidée par des fractionnements physico-chimiques et des biotests. L'approche consiste, après extraction des composés de la matrice, à effectuer des biotests sur l'extrait et des sous-fractions afin d’identifier une réponse biologique qui peut impliquer soit des récepteurs de toxicité spécifiques (e.g. le récepteur Ah qui est sensible aux hydrocarbures) soit des organismes entiers pour les tests de toxicité aiguë (Microtox ...).   Comment gérer autant de molécules ? Figure 1 : principe de l’EDA L'analyse d’un extrait ne permet pas l'identification de molécules en lien avec une toxicité observée, en particulier si la contamination est complexe. Par conséquent, l’EDA comprend deux étapes de fractionnement. La première étape conduit à une dizaine de fractions qui sont analysées à l’aide des biotests. Les fractions qui répondent sont ensuite de nouveau fractionnées pour tenter d’isoler les molécules et au final chaque molécule est testée avec le biotest sélectionné (Figure 1). Après identification, il est nécessaire de passer par une étape de confirmation finale en testant la molécule seule pour vérifier sa réponse biologique et de confirmer l’adéquation entre molécule identifiée et étalon de référence afin de s’assurer qu'aucune erreur n’a eu lieu lors du processus EDA.   Comment avons-nous appliqué l’approche sur les sols ? Dans le contexte de la thèse de Maximilien Delafoulhouze les sols utilisés ont été sélectionnés à partir de résultats de bio-essais effectués sur des sols contaminés par des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), souvent en mélange avec d’autres polluants. La première phase de l’étude a consisté en une qualification globale de la méthode afin de valider les méthodes d’extraction et de séparation. L’EDA requiert de très nombreuses phases de validation avant de pouvoir faire le lien entre une molécule ou un groupe de molécules et leur toxicité. D’une part, il faut savoir si la phase d’extraction n’enlève pas de composés ou ne rajoute pas de molécules toxiques. Il convient aussi de définir si la phase de séparation ne conduit pas à une perte de certaines substances, conduisant ainsi à une perte de toxicité de l’extrait. Ceci doit être vérifié à chacune des étapes. Ces opérations de mise au point des méthodes étant très fastidieuses et chronophages, les résultats présentés ici sont issus d’analyses menées dans le détail sur 3 échantillons.   Quel type de résultats obtient-on ? Figure 2 : équivalent-toxiques des fractions, exprimés en µg/g de Benzo(a)pyrène par g de sol. Les composés identifiés, autres que les 16 HAP de référence, sont décrits dans la figure suivante. La Figure  2 ci-dessous illustre la part de toxicité identifiée dans les différentes fractions ainsi que la toxicité expliquée par les HAP identifiés au préalable. La toxicité est exprimée en équivalent-toxiques de Benzo(a)pyrène. Nous pouvons voir sur cette figure que les 16 HAP réglementaires sont présents principalement dans la fraction 8 et que, dans celle-ci, ils constituent plus de la moitié de la toxicité constatée. A l’inverse, dans les autres fractions, ils sont presque absents et constituent une part minime de la toxicité. Dans les fractions lourdes, les composés constituants la toxicité n’ont pas pu être identifiés, à l’inverse des fractions 7, 8 et 9,  où certains composés l’ont été.         Figure 3 : équivalent-toxiques pour les composés identifiés dans les différentes fractions. La plupart proviennent de la fraction 7, sauf les 5,12-Naphthacènequinone et Cyclopenta(def)phénanthrènone qui sont dans la fraction 9, et les 11h-benzo(a)fluorène-11-one et 7H-Benzo[c]fluorène dans la fraction 8.La Figure 3 précise les molécules identifiées qui sont responsables de la toxicité mesurée dans les fractions 7, 8 et 9. Parmi ces molécules, on trouve des HAP qui ne sont pas dans la liste des 16 molécules prioritaires et des dérivés qui sont soit des oxy-HAP, soit des dérivés contenant du soufre tels que les thiophènes. La « somme des autres » comprend vingt autres molécules qui ont été identifiées mais nous pouvons constater que leur toxicité cumulée est faible. Ainsi, parmi les composés identifiés, une dizaine d’entre eux conduit à la majeure partie de la toxicité.     Mais au final à quoi ça sert ? A partir de ces premiers résultats, il apparaît que la méthode est prometteuse, même si elle est longue à mettre en œuvre. Il est clair que l’objectif n’est pas de réaliser, à terme, des EDA sur tous les échantillons de sols d’un site contaminé. Il s’agit, au contraire, à partir de l’analyse d’un certain nombre d’échantillons assez diversifiés, d’identifier des nouveaux composés pertinents qui seraient ubiquistes ou a contrario spécifiques d’un certain type de contamination en vue de modifier la liste des 16 HAP réglementaires, pour que ceux qui sont analysés puissent être associés à une toxicité réelle. Ceci pourrait conduire à avoir un meilleur lien entre les estimations de la réelle toxicité des sols, les risques associés, et donc les opérations de réhabilitation nécessaires à réaliser. Auteurs : Maximilien DELAFOULHOUZE, Hélène BUDZINSKI, Grégory COHEN, Olivier ATTEIA

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Modèles de volatilisation : d’où viennent les différences entre prédictions et mesures ?

24 Avril 2015

Selon l'étude menée par InnovaSol, les différences constatées entre les mesures et les prédictions obtenues avec les modèles de volatilisation sol-bâtiment (Volasoil, Johnson et Ettinger) ne proviennent pas des simplifications de ces modèles. L'origine de ces écarts est à rechercher dans le rôle de la frange capillaire, de la distance bâtiment-source et du non-équilibre sol-air.

Différents articles récents montrent que le modèle en une dimension de type Johnson et Ettinger, s’il est appliqué à un contexte où il n’y a pas d’effet 3D (source très localisée, bâtiment éloigné de celle-ci) ne conduit pas à des différences majeures avec un modèle en 3 dimensions reprenant la physique des phénomènes. En ce qui concerne le rôle des paramètres majeurs, les éléments suivants peuvent être avancés :

  • D’une façon générale, le type de polluant change relativement peu les flux tant que celui-ci est volatil.
  • Le nombre de fissures dans les fondations du bâtiment influence peu les résultats généraux.
  • Dans les sols peu perméables à l’air, le processus majeur est la diffusion et ainsi le différentiel de pression entre sol et bâtiment est peu influent.
  • A l’inverse, dans les sols perméables, les paramètres majeurs sont la perméabilité à l’air du sol et la différence de pression sol-bâtiment.
  • La teneur en air du sol, qui peut varier largement sous un bâtiment, influence très largement les résultats. En effet une variation d’un facteur 4 de la teneur en air peut conduire à une variation des concentrations dans le bâtiment de plus d’un ordre de grandeur.

Par ailleurs, cette étude montre clairement que des facteurs "externes" aux équations des modèles conduisent aisément à des erreurs de plusieurs ordres de grandeur sur les résultats de modélisation. Il y a cependant une solution assez simple à ces déviations importantes : lorsqu'il s'agit de modéliser un risque dans un bâtiment, il est indispensable de réaliser les mesures dans l'air du sol. En effet une mesure locale dans l'air du sol permet d'éliminer les trois grands facteurs de biais que nous avons identifié : (i) hétérogénéité latérale, (ii) rôle de la frange capillaire et mesure dans la nappe et (iii) rôle du transfert solide-gaz.

Cette approche simple permettra de limiter très fortement les erreurs des modèles sur site réel. Par contre lorsque les terres d'un site doivent être réemployées le calcul par le modèle risque peut toujours être préconisé avec moins de possibilités de mesure in situ. Dans ce cas, il est néanmoins possible de réaliser les études de risque aussi à partir de mesure dans les gaz du sol et non sur des concentrations sur le solide.


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