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  • Qu’est-ce que l’EDA ? Comment l’utiliser pour tester la toxicité des sols ?

    15 janvier 2018

    Qu’est-ce que l’EDA ?

    L’analyse dirigée par l’effet (ou Effect Directed Analysis en anglais, EDA) a pour objectif de découvrir si un contaminant est responsable des effets toxiques dans un compartiment environnemental. Cette méthode vise à identifier des molécules organiques responsables d’activités biologiques à l’aide d’une démarche analytique guidée par des fractionnements physico-chimiques et des biotests. L’approche consiste, après extraction des composés de la matrice, à effectuer des biotests sur l’extrait et des sous-fractions afin d’identifier une réponse biologique qui peut impliquer soit des récepteurs de toxicité spécifiques (e.g. le récepteur Ah qui est sensible aux hydrocarbures) soit des organismes entiers pour les tests de toxicité aiguë (Microtox …).

     

    Comment gérer autant de molécules ?

    Figure 1 : principe de l’EDA

    L’analyse d’un extrait ne permet pas l’identification de molécules en lien avec une toxicité observée, en particulier si la contamination est complexe. Par conséquent, l’EDA comprend deux étapes de fractionnement. La première étape conduit à une dizaine de fractions qui sont analysées à l’aide des biotests. Les fractions qui répondent sont ensuite de nouveau fractionnées pour tenter d’isoler les molécules et au final chaque molécule est testée avec le biotest sélectionné (Figure 1). Après identification, il est nécessaire de passer par une étape de confirmation finale en testant la molécule seule pour vérifier sa réponse biologique et de confirmer l’adéquation entre molécule identifiée et étalon de référence afin de s’assurer qu’aucune erreur n’a eu lieu lors du processus EDA.

     

    Comment avons-nous appliqué l’approche sur les sols ?

    Dans le contexte de la thèse de Maximilien Delafoulhouze les sols utilisés ont été sélectionnés à partir de résultats de bio-essais effectués sur des sols contaminés par des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), souvent en mélange avec d’autres polluants. La première phase de l’étude a consisté en une qualification globale de la méthode afin de valider les méthodes d’extraction et de séparation.

    L’EDA requiert de très nombreuses phases de validation avant de pouvoir faire le lien entre une molécule ou un groupe de molécules et leur toxicité. D’une part, il faut savoir si la phase d’extraction n’enlève pas de composés ou ne rajoute pas de molécules toxiques. Il convient aussi de définir si la phase de séparation ne conduit pas à une perte de certaines substances, conduisant ainsi à une perte de toxicité de l’extrait. Ceci doit être vérifié à chacune des étapes.

    Ces opérations de mise au point des méthodes étant très fastidieuses et chronophages, les résultats présentés ici sont issus d’analyses menées dans le détail sur 3 échantillons.

     

    Quel type de résultats obtient-on ?

    Figure 2 : équivalent-toxiques des fractions, exprimés en µg/g de Benzo(a)pyrène par g de sol. Les composés identifiés, autres que les 16 HAP de référence, sont décrits dans la figure suivante.

    La Figure  2 ci-dessous illustre la part de toxicité identifiée dans les différentes fractions ainsi que la toxicité expliquée par les HAP identifiés au préalable. La toxicité est exprimée en équivalent-toxiques de Benzo(a)pyrène. Nous pouvons voir sur cette figure que les 16 HAP réglementaires sont présents principalement dans la fraction 8 et que, dans celle-ci, ils constituent plus de la moitié de la toxicité constatée. A l’inverse, dans les autres fractions, ils sont presque absents et constituent une part minime de la toxicité. Dans les fractions lourdes, les composés constituants la toxicité n’ont pas pu être identifiés, à l’inverse des fractions 7, 8 et 9,  où certains composés l’ont été.

     

     

     

     

    Figure 3 : équivalent-toxiques pour les composés identifiés dans les différentes fractions. La plupart proviennent de la fraction 7, sauf les 5,12-Naphthacènequinone et Cyclopenta(def)phénanthrènone qui sont dans la fraction 9, et les 11h-benzo(a)fluorène-11-one et 7H-Benzo[c]fluorène dans la fraction 8.
    La Figure 3 précise les molécules identifiées qui sont responsables de la toxicité mesurée dans les fractions 7, 8 et 9. Parmi ces molécules, on trouve des HAP qui ne sont pas dans la liste des 16 molécules prioritaires et des dérivés qui sont soit des oxy-HAP, soit des dérivés contenant du soufre tels que les thiophènes. La « somme des autres » comprend vingt autres molécules qui ont été identifiées mais nous pouvons constater que leur toxicité cumulée est faible. Ainsi, parmi les composés identifiés, une dizaine d’entre eux conduit à la majeure partie de la toxicité.

     

     

    Mais au final à quoi ça sert ?

    A partir de ces premiers résultats, il apparaît que la méthode est prometteuse, même si elle est longue à mettre en œuvre. Il est clair que l’objectif n’est pas de réaliser, à terme, des EDA sur tous les échantillons de sols d’un site contaminé. Il s’agit, au contraire, à partir de l’analyse d’un certain nombre d’échantillons assez diversifiés, d’identifier des nouveaux composés pertinents qui seraient ubiquistes ou a contrario spécifiques d’un certain type de contamination en vue de modifier la liste des 16 HAP réglementaires, pour que ceux qui sont analysés puissent être associés à une toxicité réelle. Ceci pourrait conduire à avoir un meilleur lien entre les estimations de la réelle toxicité des sols, les risques associés, et donc les opérations de réhabilitation nécessaires à réaliser.

    Auteurs : Maximilien DELAFOULHOUZE, Hélène BUDZINSKI, Grégory COHEN, Olivier ATTEIA